Pendant le discours de Camus, on pouvait entendre les cris furieux des manifestants, en bas, sur la place. Camus dut entendre les «Camus au poteau», car Poncet vit le visage de son ami « crispé et blême », luttant pour garder son sang-froid et jetant des coups d'oeil désespérés vers les grandes fenêtres qui donnaient sur la foule en colère. En bas, bien que les orateurs et l'assistance ne pussent pas les voir, certains ultras levaient le bras à la manièге fasciste. Les extrémistes, qui menaçaient de forcer le barrage de gendarmes, commencèrent à lancer des pierres dans les vitres et en brisèrent quelques-unes. La rumeur circula que la police risquait d'être débordée par les ultras, ce qui ne manquerait pas d'entraîner des combats entre militants du FLN et extrémistes français de droite, tout cela pour protéger Camus. Il commença à lire son texte d'une voix plus rapide. Un débat avait été prévu - sur l'insistance de Camus -, mais dés qu'il eut achevé la lecture de son texte, Camus murmura quelque chose à Roblès qui proposa ruer la séance. Le court texte de soutien en faveur de l'appel à la trêve n'eut guère le temps de circuler dans l'assistance, et il ne récolta que les dizaines de signatures. Le texte du discours de Camus fut publié à Alger, et le nom de l'imprimeur rendu à dеssein illisible pour éviter les représailles - tant le climat était tendu. (Camus reproduisit le texte de ce discours dans Actuelles III.)
--Herbert R. Lottman, Albert Camus (tr. Marianne Véron), 1978
No comments:
Post a Comment